Passion ou détachement
Je relis Henry and June, d’Anaïs Nin. La densité du texte m’impressionne : je n’en suis pas encore là ! La description des émotions, des sentiments, de ce qu’elle ressent, pense, écrit, dit… passant d’un sujet à l’autre, d’une phrase à l’autre : c’est impressionnant. Chez moi, c’est calme à côté : une chose après l’autre ; peut-être ai-je trop besoin d’expliquer les choses et de suivre une logique. Bien que j’aie des idées, pour certains chapitres, d’enchaînements rapides d’expériences, de lieux différents. Il faut que je travaille différents styles. Le roman (Le jeu de la vie*), c’est une nouvelle aventure pour moi, et aussi un apprentissage, qui me passionne. Mais ça progresse bien : les idées viennent en écrivant, inattendues ; depuis quelques jours, l’écriture est plus facile, plus fluide, moins à corriger et à reprendre. Il faudrait que j’y consacre plus de temps : écrire aussi le soir, peut-être.
C’est bientôt la fin de l’année : j’entends les pétards et la musique de la fête foraine. L’importance de ce Journal, de ces Pages*, il ne faut pas la sous-estimer. Anaïs Nin parle de la rivalité de ces deux activités – le journal et les romans – comment les concilier et utiliser les pages du journal dans les romans, mais pas l’inverse ! Redevenir un peintre et un écrivain ; ce qui jette une perspective différente sur la vie spirituelle, la santé, les soins, les séances, l’étude, le Human Design*. Tout cela semble repasser au deuxième plan, perdre de l’importance ; du moins comme je l’avais envisagé, pratiqué pendant toutes ces années. Cela a envahi peu à peu ma vie et relégué la création artistique au second plan, et l’a même arrêtée pendant de longues périodes. Mais alors, il me semble que quelque chose manquait, que cette énergie créative avait disparu, pour faire place à un ennui, une morosité, une paresse, un manque d’enthousiasme. L’amour pour la vie, la vie terrestre, matérielle, se dissipait. Était-ce une bonne chose ? Je me le demande. La passion cédait la place au détachement, à l’équanimité, ou peut-être l’indifférence…
Henry and June devient de plus en plus diabolique vers la fin, et me fait revivre des souvenirs d’avant ma période spirituelle, retrouver des intensités qui étaient devenues plus rares, trop rares. L’écriture d’Anaïs Nin me fascine : quelle richesse, quelle verve, quel rythme, quelle intensité passionnelle. Je n’aimerais plus le vivre, mais j’aimerais pouvoir l’écrire.
* Le jeu de la vie, roman que j’ai commencé à écrire en décembre 2006, et terminé en mars 2013. Son titre définitif sera Marlène ou le jeu de la vie.
* Pages : une des tâches de la voie de l’artiste (The Artist’s Way, de Julia Cameron) qui consiste à écrire trois pages par jour. À l’époque où je faisais cette pratique, mon Journal était devenu les Pages.
* Human Design : le Human Design est un système complexe de connaissance de soi qui fait appel d’une part aux dernières découvertes de la génétique et de la physique quantique et d’autre part aux anciens enseignements de l’astrologie, du Yi Jing, du système indien des chakras et de l’arbre de vie de la kabbale. Pour plus de détails : https://human-design-en-francais.simdif.com.
31 décembre 2006, Chiang Mai