Peinture ou écriture ?
J’ai lu hier soir le dossier du Magazine littéraire sur Borges : cela me redonne l’envie d’écrire. Je m’identifie aux écrivains célèbres. J’aimerais être un écrivain célèbre, peut-être encore plus qu’un peintre célèbre. La sensation est différente. L’écrivain se situe au niveau de l’esprit, de l’intellect, du savoir, de la sagesse, des idées. Il me semble que c’est un niveau plus subtil, plus élevé que celui de la peinture, qui s’adresse davantage au physique, au visuel, à l’instinctif, à l’émotionnel. Pourtant, la peinture est souvent plus abstraite, plus spirituelle, plus lumineuse, et moins conceptuelle que l’écriture. Les couleurs et les formes sont plus libres, plus ouvertes, plus vastes que les mots, dans un sens. Elle peut exprimer l’indicible, aller au-delà des idées, des concepts, au-delà de l’esprit. Elle se situe au niveau non verbal, au niveau de l’âme. L’écriture est peut-être supérieure au niveau mondain, car elle demande plus d’érudition, de connaissances. C’est probablement ce qui me fascine dans le monde de l’écriture : sa dimension intellectuelle. Et pourtant la peinture dépasse ce niveau. C’est pourquoi on peut facilement écrire des articles, ou même des livres, sur les œuvres littéraires, alors que les écrits sur la peinture sont rarement appropriés, car ils n’utilisent pas le même langage. C’est comme si un peintre voulait faire la critique d’un livre par une peinture.
6 mai 1999, Chiang Mai